"Le Miroir Brisé"...
Pour compléter cet itinéraire d'écritures, sans doute profane mais innocemment sincère, même si parfois provocateur, après cette révélation de conscience absolue, proprement indicible et inconcevable, dans mon vécu, quelques mois après ce pic de réalisation prodigieusement lumineuse, renversante et enflammée, suivit une période de retrait, une sorte d'état de choc post-opératoire de l'esprit après une malencontreuse ou facétieuse anesthésie, ou après une réanimation sauvage.
Une plongée vertigineuse dans ce que certains textes appellent dramatiquement "la nuit obscure de l'âme"... Absurde serait aussi bien approprié. Là, aucun repère, un néant abscons, aucune logique ni raison, aucune sécurité ni réassurance... Un univers de confrontations aux tendances humaines de la psyché les plus inattendues... Au propre et au figuré. Défit sans nom pour la dite raison ordinaire (sans évoquer ici l'option facultative de la foi ou pseudo croyance). Déambulation funambuliste irréelle aux frontières d'une folie sinon furieuse mais pour le moins déconcertante, assez souvent effrayante et surtout éminemment déstabilisante!...
S'il est une chose que je ne souhaite pas à mon prochain s'il s'en trouve, et même, si il existait, à mon pire ennemi, c'est cette plongée terrible et fracassante dans les abîmes de cette psyché, de ce jeu de miroir faussé des possibilités des formes mentales les plus insensées de notre cerveau... Bien sûr ce fut l'occasion d'un "travail"!... Un travail à la hauteur -ou bassesse- de cette démesure débridée et potentielle de l'esprit humain...
"L'horreur est humaine et rien de ce qui est humain ne m'est étranger"... aussi monstrueux et abominable que cela puisse paraître!
Un travail ou fresque titanesque de l'esprit se battant en duel avec lui-même pour finir par simplement se retrouver dans la conjonction, épousailles ou réconciliation paisible et sereine avec lui-même... Ni méduse ni Gorgone ni dragon... Initiation sauvage, rude épreuve. Les traités sont nombreux sur ce sujet dans divers domaines et n'aident pas forcément... Et parfois même, comble d'infamie ou d'amertume, peuvent ajouter l'exploitation cyniquement mercantile et autres surtaxes de thérapies opportunistes à la confusion initiale! Terrain éminemment instable et dangereux. Effondrements, engloutissements, sables mouvants...
Il est convenu qu'on ne se confronte qu'à soi et à ses propres projections, sans doute, mais quand ce soi s'extirpe ou se trouve expulsé de sa gangue protectrice individuelle, quelle qu'en soit l'incidence, alors cette confrontation au soi se trouve inclure la totalités des "sois"... Ce n'est plus alors strictement personnel même si ce "personnel" y est toujours inclus comme partie; cela devient collectif! C'est énorme, à la limite de ce qui est supportable! Vous vous trouvez alors offert de force une visite non guidée et non gratuite dans la fantasmagorie humaine...
Ce n'est ni une vision ni une confrontation plaisante. Il y a de quoi se hérisser les méninges, attraper des sueurs glacées, des frissons pas sympatiques du tout dans le dos, ne plus trouver le sommeil ou pire encore le craindre, y passer des nuits noires, s'y blanchir prématurément les cheveux sinon les perdre avec toute sanité. "Le côté sombre ou Voyage au bout de la nuit"... Entre terreurs névrotiques, hallucinations démentes et veuleries ordinaires...
La psychologie, la psychanalyse et la psychiatrie répertorient et traitent des différents types de "démences" ou aliénations, depuis les névroses dites ordinaires jusqu'aux psychoses, paranoïas, schizophrénies ou encore sociopathies; nous savons tous qu'il existe des déviances de l'esprit qui produisent des aberrations de comportement connues comme le viol, l'inceste, la maltraitance, l'abus de pouvoir, la corruption, la domination, la manipulation, le contrôle, le chantage, le masochisme, le sadisme, la torture, le meurtre, et même les génocides et autres guerres, saintes ou pas, sournoisement économiques, égoistement nationalistes, sectairement fanatiques et autres intégristes psycho-rigides de toutes obédiences...
Nous le "savons", oui... d'une intellection lointaine et conceptuellement rassurante, ou bien légèrement distraite en écoutant la radio, voire gênée entre deux bouchées devant le journal télévisé... Mais de là à y être confronté directement à l'intérieur de soi sans échappée possible ni parachute de secours... C'est un gouffre d'horreur infranchissable et de folie inimaginable!
Dans la mythologie dite spirituelle de l'éveil (qui pourrait se classifier pour le moins dans les névroses), beaucoup de témoignages, qui sont bien sûr invérifiables sur le fond, laissent à penser qu'à partir de ce non événement lumineux, toutes choses se déroulent dans une sorte d'état de grâce permanent, inaltérable et intouchable... S'il en est pour qui cela se déroule ainsi, je suis ravi pour eux, bénis soient-ils...
Mais nombreux aussi ceux qui se perdent ou s'égarent et dénient cette reconnaissance d'éveil ou invitation à un vivre conscient pour la raison qu'ils expérimentent encore des pensées incontrôlées ou indécentes, des sentiments instables ou émotions dérangeantes, ou encore certains phénomènes physiques insoupçonnés de "cuisson" souvent très inconfortables... sans oublier de mentionner le doute chaotique de cette dite raison aveuglée de son propre orgueil et de ses principes et références et de sa volonté de contrôle... La vérité brûle, mais les mensonges culturels pour ne pas dire spirituels, les conditionnements sociaux et croyances ataviques se consument souvent très lentement... Cendres et fumées...
Peu de gens rapportent ce genre de péripéties pour le moins désagréables et encore moins glorifiantes!... Peu ont l'honnêteté de le mentionner, je rends ici encore hommage à Yvan Amar dans la préface de son ouvrage "les Dix Commandements".
De façon ésotérico-spirituelle, le "Livre des Morts Tibétains" et aussi Egyptien en font aussi mention, mais comme d'un processus qui surviendrait après la mort physique... un accompagnement post-mortem, qui pourrait savoir?... L'Odyssée aussi, à sa façon, symbolise cet itinéraire curieux du "Retour au Pays" avec toutes ses avanies, ainsi que d'une autre manière "Les Travaux d'Hercule" présenteraient douze étapes d'affranchissement...
Il est certain que ce parcours réellement initiatique s'origine dans la réalisation directe ou dans un pressentiment intuitif sans faille de l'Absolu, de la toute Conscience (et non de ses objets) et dans la mort figurée ou non du sujet relatif, de la croyance et attachement romantique en l'identité individuelle fabriquée de toutes pièces, notre chère âme sensible et ses affres d'agonie ou sentiment de terrible impuissance... "Le Miroir Brisé"...
Plus la résistance est grande, plus la "souffrance", malédiction ou torture auto-infligée s'amplifie et perdure. Ego, image de soi. Pas de blâme, pas de louange.
Après avoir rencontré en soi le plus beau, le plus sain, le plus haut et le plus vrai du potentiel humain, et même supra humain, sans se perdre néanmoins dans les arcanes des séductions allégoriques ésotériques, magiques, spirituelles ou divinisantes (cela peut venir s'inclure après dans le paquet cadeau); se trouver confronté à tout l'opposé en est encore plus invraisemblable et décontenançant! De là une errance ou divagation incertaine s'ensuit dans le labyrinthe proprement infini de la psyché... Une sorte de traversée mêlée des Enfers et du Désert entre anges et démons, glorifications et tentations...
En ce parcours vous vous trouvez dans un impossible et solitaire face à face et aussi devant l'incompréhension affligeante de normalité réductrice, aussi intelligente qu'elle puisse paraître ou se prétendre, de vos consoeurs ou confrères humains... Rien n'est épargné. Explorer et raccommoder ou s'accommoder au moins pire des traits et tendances de sa petite personne est une chose; rencontrer et embrasser sans juger ou condamner la totalité du vivant dans tous ses aspects est un défit d'une toute autre envergure! Mais demeure finalement, quel qu'en soit l'exorbitance du prix à payer et ses aléas et péripéties innombrables, le seul digne de ce nom...
Si par quelque grâce ou tenue morale de rigueur insoutenable et souvent désespérée, ou par une chance inouïe vous ne succombez pas à ces naufrages imaginaires et vous retrouvez sur le sol ferme de l'Etre ou Présence réelle à Soi ou Conscience véritable, vous réaliserez alors avec un ébahissement certain et néanmoins joyeux que tout ceci ne fut que chimères, fantasmagories, mirages ou chants de sirènes et verrez tout aussi curieusement et rapidement votre soi-disant prochain, si pas trop encombré de sa propre importance ou d'arrogance spirituelle, vous approcher pour y chercher refuge, conseil ou secours... Etrange ironie...
Cela peut laisser sans voix dans l'étonnement infiniment vaste de l'instant, mais non sans cette conscience encore plus englobante, aiguisée et lucide que jamais. Ni erreur ni péché, ni drame ni chute. C'est le même, tendre et infini recours... Un amour sans face et sans nom...
"Ce qui ne tue pas grandit"...
Les quelques textes ou traces lointaines rassemblées ici en sont un pauvre et pudique témoignage...
Nb: Pour les puristes, s'ils se sont miraculeusement égarés jusqu'ici, je dois ré énoncer que l'éveil, même s'il existe des expériences fondatrices, n'est en soi ni une expérience ni un état temporel et ne saurait donc avoir la moindre référence ni évaluation, sinon en la clarté de son propre coeur et de sa conscience. Ce qui n'empêche pas de rester conscient des voix du monde et de ses jeux puérils... Là se trouve l'humble et saine compassion.
"Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre"...
"Va et ne trébuche plus".
à la femme infidèle... et à l'homme de même!...