Une semaine après l'Armistice

Part Dieu! Le 17ème jour du 11ème mois de la mil neuf cent quatre vingt septième année après le petit Jésus incrocé en Palestine que c'est pas fini, j'arrive par le destrier ferroviant de 20h30 et quelques poignées minutées en provenance d'un via détourné en correspondances et prolongation de billet...Ouf! Un peu d'air... Halls de gares et quais divers pour la saison et retour à la case départ sans vraiment savoir si j'allais en prison ou quelque part sans dieu sur la planète des hommes des années après ce jour que j'avais décidé d'oublier il y a déjà un moment... Me voilà sans arme ni bagage, quelques pages dans mon baise-en-ville sur l'épaule contenant les papiers chéquier et laissez-passer de tous types réclamables à un gentil manant de ma sorte en balade trouvère etcétéra etcétéra...

Où je vais?...J'y vais!... L'actualité veut que je bouge et je suis d'accord, alors j'avance... Le plus simple c'est le repère confortable des visages connus... J'essaye de pas penser, c'est la peur qui pense pour moi... Je passe en pilotage automatique... Un métro, une sortie, des rues... C'est où?... Par là!... - Néons - Balises urbaines... De quoi j'aurais l'air si je montre la peur qui m'habite, ma solitude de moi qui me cherche dans ces enveloppes apparentes?... Nonchalance et queue de cheval, volontaire volonté raisonnante... Mon cul! Ça fait raisonner le monde sur mon éventuelle raison ou non c'est la mienne, c'est la nuit... J'ai pas encore trouvé ma roulotte depuis 4 mois que je cherche... J'ai peur de mon inconnu et des complications mais j'ai encore le temps et de quoi frimer... J'ai vendu ma ruine pour quelques tunes légères, léger pécule... Bast! Je demande un délai, "Pouce!... Je joue plus!" Je veux rien conquérir sinon ce vide en moi qui me rend étranger à moi-même et aux us de ma matrie paternante! Stop!... J'ouvre la porte d'un café, chaleur...

"Salut!" Copains chauds à l'apéro tardif... J'ai du bol!... On s'embrasse, on est content de se repérer entre pairs, on se sent ensemble, cons habillés de fumées et de vapeurs d'alcool... Qu'est-ce que je bois?... Un vichy!... eh oui!... Qu'est-ce que je fais là?... Je passe, je veux pas le savoir, j'ai peur mais je le dis pas... Je cherche quoi?... Rien... si... je me souviens d'un regard, d'un visage qui m'est revenu en rêve il y a une semaine... Une semaine folle farandole d'autres visages... Nouveau de paroles, de sourires, de rires, de caresses inattendues à l'extrême, de rencontres remplissant ce temps comme ce rêve de visage de regard a rempli cette nuit... Je veux savoir si j'ai rêvé ce regard et ce silence sonore résonnant encore en éclats... C'est ça que je cherche, c'est ça que le rêve a réveillé en moi... Ce souvenir de regard, ce discours impossible, ce silence bruyant qui m'habite et que je veux briser comme son miroir de lâcheté... Qu'est-ce qu'il y a derrière?... Rien?... Ou quelqu'un?... Et ce quelqu'un c'est qui?... C'est moi?... C'est moi que je cherche mais je le dis pas... Y'a tellement longtemps que je suis perdu que j'ose même pas en parler, que je me rappelle même plus d'abord!... Asphyxie, amnésie, choc en retour... Quelle année?... Tout petit, la tête, sûrement tombé ou quelque chose du genre froid, clinique... Silence, silence...

Marre du silence continu! On se parle avec du bruit pour cacher nos silences!... "Ça va? Tu viens d'où?"... De moi je viens! A moi je vais! J'essaye de m'affronter sans me défiler! Face à face!... Bon, je blatère des lieux communs, communes origines indigènes localisables en conversations... Blat blat... "Mon cheval? J'ai déjà la queue alors t'as qu'à voir!"... Quelle frime! Nom de Dieu!... Y'a même Germain qu'a débarqué aujourd'hui, la coïncidence!... Germain c'était mon voisin à 150 bornes de là, mon ami en altitude... On a mis tant de silences entre nous depuis... depuis?... Ça commence quand?... Au je t'aime! Ça commence là! La sympathie l'amitié, les mecs ça se dit pas je t'aime ou alors c'est des pédés et les pédés c'est des pédés et toc!... Comme à l'école ou à l'armée, sec les mecs!... Les mecs ça se tape dans le dos, viriles les mecs, ça s'envoie des vannes, ça fait du béton, bien férraillé et bien dosé le béton, évidemment... Ça fait solide les mecs, pour durer, des maisons ça fait, ça coule des dalles, ça boit des canons, ça parle travail mais guère plus parce qu'après hein... on sait pas où on va, et on aime bien savoir...

Comme on savait pas on a laisser filer, doucement, en silence, comme à la pêche... "Chut"... C'est plus confortable même si ça fait mal, on se tait... Le confort c'est taisant!... C'est plus mon voisin germain, je suis parti, j'ai plus de voisin, je veux plus de Voisin! Je veux moi sans projection voisinante ou vineuse, je veux plus me taire dans la transparence des verres vides ou des fumées opaques... C'est moi que j'ai tu avec Germain, pas lui, lui il s'est tu tout seul, c'est moi que je tais dans mes silences, c'est moi que je tue!... "Ça va?" Ouais!... Je rigole, je reprends un vichy, j'aime bien les bulles, ça pétille!... et le sel... Avant j'aimais l'alcool, le vin la fumée, je garde encore le flou... Artistique! Le flou bien entendu... De l'allure! Du panache!... Frime toujours! Si tu sais pas pourquoi c'est pas grave, ça protège et ça fait partie du spectacle, et le spectacle c'est tout et tout le temps!...

J'ai pris une douche ce matin... Je savais pas que je serais là ce soir, ça fait 400? 500 Kms?... Ça fait rien, je me représente pas, je suis là... un monde... et ce visage et ce regard?... Non. J'ai carrément l'impression que je me suis planté, c'est pas le bon endroit, je prends le bon envers... Quoi faire?... J'en ai marre de ce bar, du bruit... "On va manger?" C'est Germain et d'autres, c'est gentil mais j'ai pas faim... Je suis plus, je suis venu là et je sais plus... Je suis fatigué... Je ris quand même, c'est le propre du singe et je suis quoi? Primate primaire évolué? Evolué sûrement, mais comment? Quel sens?... Pour l'instant c'est plutôt giratoire, les mêmes histoires qui tournent en rond à se mordre la queue genre frères Ripolin, on se suit on se suit, on se ressemble, on se bouffe sur le dos... Dans le dos de qui je suis?... A qui je ressemble? A moi?... Des fois?... Suivant suivant! Suivez suivez! Pardonnez l'écho, l'égo... Ecco! Je veux plus offrir de merde même bien empaquetée par les empaqueteurs mondains des sciences psychiques eux-mêmes! Alors je voudrais savoir ce que je donne et pour ça je me suis moi-même pas à pas! Indispensable, indissociable moi je!... Pas vous?... Non?... Alors circulez!...

Je dis rien... Je dis j'ai pas faim... Peut-être dormir, fuir?... La fuite, le sommeil, le repos, le réveil... Le réveil!... "Si on allait chez nous" disent les copains, "on cassera la croûte"... Je dis d'ac d'autant que la copine vient de me dire que mon rêve dort chez elle, enfin chez eux, j'avais rien compris... Je croyais qu'elle était ailleurs en ville juste ce soir... Alors peut-être je peux revoir ce regard si il existe, ou si j'ai rêvé, et si il existe on se dira quoi?... Rien si ça se trouve... Alors?... Alors je ferme la porte au spéculatif et je monte l'escalier d'au moins 22h au fond de la cour... Je fais ce trajescalade marche à marche, je vais à ma peur, j'essaye de simplifier, de décomplexer, de pas tenir compte des autres... Les autres! Miroir de jugement, confort anti-solitude... Mes fesses!... Ça fait six ans et plus que je monologue pour les autres, bien propre bien sage, intelligent, conforme, bien recueilli, bien relié, tout à la main, bien pressé bien plié, bon élève, bonne composition, je discute, j'argumente, je justifie, je fais honte à personne, je dérange rien, ça va, je suis présentable... Et je me plante la gueule!... Alors je monologue pour moi!...

- Cavalier seul - Première personne je me prie il me plaît cimer quebou! Merci beaucoup... -"Insolite en solo"- ( dixit Jean-Louis )... Et merde! J'essaye d'être et d'être bien moi le prem. Ça en fera au moins un, le bonheur des autres je verrai après... "T'as pas cent balles?... Camarade!"... Ça dépend des jours et de mon humeur... Où c'est qu'on meurt? C'est qui qui meurt? De quoi on meurt? Vous allez l'heure?... Moi non plus! C'est tous les jours, c'est partout, c'est n'importe qui ou quoi, c'est le monde et c'est dégueulasse!... les merdes sur les trottoirs! "Faut nettoyer tout ça et la vermine balayeuse avec!"... "On donne déjà assez comme ça, si on commence à donner aux pauvres"... Y'a des états civilisés avec des responsables alors à quoi ça sert de les élire si ils s'occupent pas des pauvres de la faim, du froid, de la misère du monde, des merdes et du reste?... La vie est chère, on travaille on paie, on travaille on paie, la tranquillité, la sécurité, la propreté, l'ordre, les ordures ménagères... C'est sale dans l'escalier, c'est un peu sordide, c'est vieux, c'est quartier en voie d'assainissement promotorial, après ça sera chic et cher et les copains?... Au fond d'une banlieue allocative télévisuelle et familiale mal desservie après 20h?...

C'est pas l'heure?... T'as raison!... Bon, je monte ces vieilles marches usées de misère sociale et zolienne... Ça sent la vieille humidité, la vieille moisissure, la vieille lèpre sur les murs, la vieille pisse froide et la vieille peur bête que j'essaye de taire tapie au fond de moi... On est en haut, c'est pas haut, deux étages et demi avec les chiottes au fond à gauche sur le coin du palier... Ambiance... On rentre dans l'appart, ça sent le sommeil et le chaud, les bébés dorment, tout va bien... Le regard et le visage se font réveiller par la copine qui dit que je suis là à la proprio des deux... Bah oui je suis là... et alors?... Alors j'y vais, obligé!... Et puis je risque rien, y'a que moi qui sais... C'est au fond encore dans un recoin de ma tête et de l'appart, un matelas posé sur le sol dans un genre de débarras aveugle et un visage endormi... La scène... Je me penche, je dis salut, je fais une bise... -sourire- ... Elle dit qu'elle se lève... Je sais pas quoi dire, je dis rien, je me re-penche, je refais une bise sur la joue à peine un peu plus appuyée comme pour dire "je suis venu pour toi"... Elle sourit... Je m'en vais, je peux pas plus et y'a les autres qui rappliquent "chié-merde!"...

On va casser la croûte... Pourquoi pas la glace tant qu'on y est?... J'aimerai mieux, ça serait fait!... J'ai pas faim faim, je me sens con à regarder dans le frigo... Bouffe automatique, fonctions naturelles -manger manger - miam miam- Ingérer ingérer... Ingestion ingérante pour remplir le gouffre, gaver l'angoisse qui ressort à ressort! Ce vide de moi que ça fait plus de quinze ans que je triche avec, depuis que je l'ai senti et que j'ai eu peur... Avant j'avais peur aussi mais je savais pas... C'était une peur quotidienne, une chienne de mon chien, rassurante, connue, identifiée, usuellement conforme au contexte et à la norme de fonctionnement mien, confortable, bien dedans, alimentaire, plein les poches et les joues... Tellement bien qu'un jour je m'appuie à la balustrade -Ploum ploum ploum- bien jovial, bien nourrit, bien fortifié, pour voir, esprit curieux, un peu avide, le paysage en contre-bas de l'habituelle commodité... -Crac!- Saloperie de balustrade! Ça casse! Pourri que c'était! Certitudes certifiées éducatives, scolaires religieuses parentales et tout le boxal! Hors du formol ça dégringole! Hors du formel ça s'entremêle! J'ai peur! Je vois plus rien!... "Maman!"... Un grand trou noir dans la mémoire qui m'attire, j'ai peur! "Au secours! Au sec'..."

Et je me réveille la nuit dans mon lit, le diable d'un côté, le père fouettard de l'autre, les grands frères susciteurs et branleurs, les copains vantards avant l'heure et moi?!... Je fais quoi moi?!... Hein?!... J'assimile l'erreur? La terreur?... A qui je parle?... Même mon ours écoute plus rien de mes cauchemars et de mes silences... Salop! Tu me laisse tomber! C'était bien la peine!... Et moi j'ai peur, je me sens seul, et dans mes mains, petites encore, ce sexe qui se dresse!... Que c'est pas un sexe c'est mon zizi à moi!... Petit aussi mais tellement grand, tellement hypnotique, tellement dur, tellement fantasmatique et baguette et magique! Et cette peur, ce mal ce bien, cette décharge!... Terrible plaisir avant la peur, l'angoisse... Ça colle, c'est mouillé... "Qu'est-ce que Maman va dire?"... Remord ma conscience... "Et le curé?!... Qu'est-ce que j'ai fait?... Je vais être puni?!"... Je suis puni, la honte entre les jambes!... Coupable, coupable, coupable... COUPABLE!... Silence, silence, silence... SILENCE!!!... Ce silence énorme et fracassant avec ce trou ce vide, ce gouffre infranchissable et effrayant! Et sacré et putain de vierge! Et bordel de merde! Et enfoirés de silences!... - K-o technique-... Salut les filles! Ça va?...

Silence... Silence... Je suis seul dans ma tête devant ce frigo qui me dit rien... Est-ce que j'ai vraiment pensé tout ça?... Ou c'est maintenant que j'ose écrire dire faire ce pas?... Pour moi, pas pour les voyeurs de trous de serrures livresques! Non, c'est pour les sourds, les malentendants, ceux qui se sont trop masturbés comme moi... "Quoi?!"... RIEN! Je dis rien!... Tous ces mouchoirs, toutes ces chasses d'eau, tous ces... rien... rien... Silence?... Non, doucement, je suis pas sourd du tout, j'entends très bien quand je veux... En plus je veux! D'ailleurs j'apprends, je me rééduque, je m'éduque moi-même à nouveau, ça sera pas pire et ça peut même être... amusant... amusant... Bon, le frigo me fait de l'oeil, fromage, pâté, saucisson, cornichons... c'est bon?... Non le pain le vin, de l'eau pour le nouilles, pour moi aussi, de la bière... - y'a surtout les nouilles - le paquet de nouilles salvateur! Ouf!... Merci la nouille!... Sans la nouille hein?... On est quoi sans la nouille en notre francitude hexagonale et cocardière?... Et puis la nouille! Hein! Quelle image!... Quelle sonorité la nouille!... Quelle Nouille!... La nouille... Elle est trop bonne tiens!... On la mérite pas... Un peu de sel dans l'eau... Voilà...

Y'a plein de monde autour, je remplis mon creux dans mon coin de cuisine pendant que ça papillonne à côté... "Et bonjour - Et bonsoir- et tchi et tcha - c'est gentil chez vous, chez moi c'est pas mal - Et toi?"... Moi?... Bah je cherche une roulotte avec un cheval attelé... "Oh! Comme une roulotte de Gitans!" Non c'est pour les touristes ça, moi je veux y passer l'hiver et pas me faire chier, au chaud, peinard, tranquille, aimable, tout seul et ma guitare, j'ai besoin de rien, gardez tout et toute... "Tu vois c'que j'vois?"... "Il était si gentil quand il était petit et toujours le sourire si vous saviez... ça devrait pas grandir"... Justement! "ça" a pas grandi! J'ai arrêté à 15 ans, je voulais plus! Les grands c'est con c'est chiant, c'est méchant c'est brutal! C'est école c'est travail, c'est vaisselle, c'est j'ai pas le temps! C'est devoirs le soir, c'est les tables et les récitations par haut le coeur, c'est vacances forcées à la mer sans les copains, c'est "on se prive pour vous!" C'est viens à table, c'est tiens toi droit! C'est fini ton assiette, c'est mouche ton nez, c'est rentre à la maison, c'est touche pas à ça c'est sale!... C'est... SILENCE!... De merde!...

Les grands c'est moche, ça pue, ça fume, ça boit, ça se parfume, ça sent du bec, c'est sale, ça parle fort, ça écoute pas, ça veut qu'on se taise! Ça veut pas qu'on s'amuse entre nous, les grands ça comprend rien, ça comprend pas qu'on bouffe des tas de merdes bonboniques ou autres saloperies nouillesques parce qu'on a un vide... ( - - - - - - - - - - - - - - encore des milliers de fois plus grand que ça! - - - - - - - - - - ) ... Les grands ça moralise, ça raisonnabilise, ça valorise, responsabilise, ça donne la caresse au bébé bien sage et la claque bien sèche au vilain pas beau en public les grands... Ça promet les grands "Quand tu seras grand"... les grands... Quand je serai grand et qu'y seront petits y vont voir les grands!... y vont voir... les grands... C'est une grande qui me demande pour la roulotte et moi j'ai pas envie de lui répondre... Elle a le masque des grands et leurs faux sourires et leurs fausses questions cette grande... Elle me fait peur cette grande, elle me hérisse cette grande, elle m'emmerde cette grande!... Elle sent la grande cette grande! Je vais devenir agressif!... Ça serait dommage...

"C'est prêt!" Sauvé par les nouilles!... Moi j'ai plus faim j'ai déjà merci... -silence de l'englouti- ... Ça mange, je sais pas ce que je fais... si... Je regarde le profil de visage que je suis venu voir... En fait je la connais pas, enfin juste comme ça, mais pas vraiment, même pas du tout, je veux dire dedans, la façade je vois, mais l'intérieur... Je sais pas, je voudrais lui parler, lui demander pour mon rêve, pour ce regard, pour cette gare, pour tout ce que j'ai effacé... Elle parle pas trop et pas trop de mon côté, normal, je me suis mis à l'écart pour voir justement... On cause un peu, de quoi?... Je sais pas, j'ai que l'image, pas le son... Voilà! Le son!... Guitare! Ça c'est magique la musique!... Ça dit rien, ça dit tout et ça remplit le silence aussi, le silence des conversations creuses, le silence des silences... Vous les connaissez ces silences... ( - - - - - - ) ceux là... Ceux qui sont bien lourds, bien épais, bien silencieux, bien vides... Si vides qu'il y a toujours quelqu'un pour parler du passage d'un ange ou de quelque chose qui remplisse ce silence... Insupportable silence... "Il est moins vingt!"... SILENCE... Ça vous rappelle rien?... moi si...

- Musique - "C'est qui qui joue, c'est qui qui chante?"... "C'est toi? C'est toi? C'est moi? c'est toi?"... "Une chanson à deux voix, tu chantes avec moi?"... Ça répond pas fort en face, ou plutôt dans le négatif, c'est pas l'enchantement, c'est les deux copines qui se chipotent la tête... Y'en a une qu'insiste et l'autre qui souffle... celle que je... L'a sûrement peur aussi, je crois qu'elle sait que je sais, qu'elle a compris et que je comprends pourquoi elle veut pas chanter... Clair non?... J'en profite pour rigoler lâchement, j'exorcise toujours quand je peux, après je pleure si il faut ou si ça vient, mais d'abord je rigole... Je suis assez du genre taquin moqueur, voire fouteur de gueule... Mais pas méchant... C'est parce que je les aime que j'asticote... Bah tiens!... C'est plus facile et ça mouille moins que... J'ai un peu peur de l'eau aussi, je vais bientôt savoir pourquoi je présume mais c'est une autre histoire... Pour l'instant l'eau je la mets dedans en grande quantités, en grandes liquidités, je bois je bois... Soif! Soif!... Si je buvais du vin je serais déjà saoul! J'en avais marre des langues de bois et des têtes brumeuses, alors je bois de l'eau... "Le feu purifie, l'eau régénère!"... Génère génère... J'ai brûlé je brûle, je flotte... Eau! Eau!...

"La Grève, la Grève!"... C'est pour moi ça! La grève c'est une chanson bien mal entendue à l'époque où je voulais briser les malentendus, les miens bien sûr!... J'ai pas pu, je comptais trop sur les autres encore la trouille... Alors je chante, je chante la Grève et puis d'autres, je sais plus, si -Tourne les pages- Grand classique!... et puis la Tendresse, autre classique, et puis la Frime... "Arrête ta frime et la mienne!... Je t'aime"... Je l'ai placé! Je l'avais jamais fait!... Avec un regard coordonné vers mon intéressée... Je crois qu'elle a reçu le message... J'ai un peu chaud et un peu le coeur qui bat d'un coup... Je repasse lâchement la guitare... Ça chante "On peut pas", un texte à moi mis sous couvert de cette histoire justement, et mis en musique incidemment par la copine et chanté en duo avec l'autre!... Quel hasard Balthazar!... "Tu peux pas me faire ça, tu peux pas t'as pas le droit... Je peux pas te faire ça je peux pas j'ai pas le droit, tu peux pas on peut pas"...Etcétéra etcétéra... Chanter on peut... pour le reste... c'est quoi le reste?... Moi je sais pas... Mais sur le coup cette chanson déchirante elle m'arrange bien ... L'amertume d'alors s'alchimise... j'en déguste le jus pour la première fois...

Brouillage!... Y'a encore la grande de tout à l'heure qui me demande si j'écris mes chansons... Oui je dis... "C'est bien" elle dit... Merci je fais... J'ai pas envie de lui parler à cette grande! Je veux juste goûter l'instant, écouter cette voix fine et claire qui illumine les mots de mon impuissance passée... Et cette grande andouille insiste encore!... "Ça me plaît" elle dit... "Tant mieux" je fais... du genre "fous moi la paix"... Elle me gonfle encore!... Ça y est! Je sais!... Elle me fait penser à une mère! ...Et à la mère de Germain en particulier! Brave femme au demeurant... mais chiante! Chiante mère poule! Couveuse étouffeuse bouffeuse mère!... J'aime pas les mères, du moins pas ce stéréotype là... Et elle me complimente comme un brave garçon pour une autre chanson, Le Mutant, et justement je mute je mute! J'arrête pas de muter depuis le début de l'année et encore plus ces derniers temps!... Depuis le jour de ma fête, une histoire de cordon et d'ombilic tranché... une histoire de renaissance et d'intime conjonction... Alors les mères!... Je lui dis pas là, mais c'est juste... C'est juste!...

Les copines chantent, ça fait du bien... C'est joli aussi sans dec'... même si ça fait un peu veillée au feu de bois... En fait j'adore les feux de bois... Tu me mets un feu de bois d'un côté et la mer de l'autre... Peut-être je reste un moment... Je rêve... pas boy-scout non, j'ai jamais aimé la discipline ni la hiérarchie en civil ou en général et chez les scouts l'uniforme en particulier... Mais bon, elles chantent et je m'en fous, c'est joli c'est tout... C'est déjà pas mal quand y'a des étoiles qui brillent dans la nuit, là c'est les voix qui brillent, les notes qui chantent et les étoiles qui écoutent... Un moment... C'est tout, c'est tout... Y'a gros Gillou qui ronfle un coup... OUT! Il est déchiré... Il a sûrement un silence coincé -quelque part- dans son éthylisme récurant... Une bulle peut-être?... Ça traîne un peu, la copine va voir un bébé sien gambadant et gazouillant sur la musique, elle laisse la guitare, je la reprends j'ai envie... Je passe devant ce regard avec mon silence criant dans les yeux, je voudrais lui parler, y peuvent pas se tirer les autres!... Il est tard, égoïste que je suis! Tant pis, c'est comme ça aujourd'hui!...

Je joue quelques notes, mélodie jolie aux accents chauds aussi... Ecoute... "C'est rien mais ça fait chaud au coeur... un peu d'tendresse de temps en temps... quand l'temps se tire vers la langueur... t'frappes pas mais... profites en... Faut s'prendre son temps!... Tu m'vois"... C'est long le temps, c'est grand l'attente en trompe peur... Qu'est-ce qu'il y a derrière?... Le vide?... Ou quelque chose?... Faut demander pour savoir, faut aller voir, faut parler, faut casser le silence et son reflet!... - PAROLE - Musique encore, je triche, je rechante dégonflé que je suis! Je triche avec moi, avec eux, j'ai peur... Vous avez pas peur vous?... J'ai envie de leur dire "Vous avez pas froid vous?" J'ai envie de demander "Vous en avez pas marre vous de tricher, d'avoir peur et froid?"... J'ai envie de le dire mais je le dis pas, à vous non plus... Je chante avec les filles des chansons de trouille, d'espoir, de tendresse, de désespoir, c'est un peu pareil des fois tout ça... Ouf!... Y'a la copine qui va se coucher, on parle de dormir, je dis rien... La grande demande à Germain si il la raccompagne, il dit oui... à mon avis ça va finir horizontal... Toujours prêt Germain! Bien élevé, bien propre, bien gentil bien poli, bien silence aussi... On a sûrement des points communs... une petite peur peut-être?... Et vu l'angoisse de la grande ça devrait aller...

Pour les autres je vois des fois... Pour moi je suis nul, je vois rien ou je dois pas vouloir voir, je me soigne, je me soigne... Un trou noir et aveugle dans ma mémoire blafarde... Un imbroglio certain dans des données de base douteuses... Un face à face retentissant et éclaboussant d'évidence avec l'erroné de mes maculages d'images d'enfance et de mes conceptions peut-être pas si propres... Le dos au mur face à mes propres distorsions, mirages, hallucinations, illusions et autres déceptions... Je m'erre au nez... Pas vous?... Bon Germain essaye de remporter gros Gillou mais rien à faire pour le réveiller lui... CAISSE!... Hank lui fait un lit de fortune, c'est déjà beaucoup la fortune! Puis il me dit de me débrouiller comme je veux pour dormir... "Pas de problème" je réponds, dans ma tête je suis capable de dormir par terre fier comme un chien avec mon vide à l'intérieur et mes questions rentrées si je les sors pas... Mais ça je le dis pas... J'ai jamais emmerdé quelqu'une avec ces histoire là, je vais pas commencer ce soir je pense dedans... "Bonne nuit Hank! à demain"... Hank c'est vraiment un mec sympa, c'est le copain de la copine... Gros Gillou c'est son frère... Il est gentil aussi... C'est déjà demain, il est... Il est plus que ça!...

On se retrouve en face - seuls - Son visage, son regard, mon regard mon regard... Chacun d'un côté de la table... Ça fait une distance suffisante pour ma trouille et pour appréhender le silence à traverser... - Glop - J'avale... Si je dis rien maintenant je dis rien après - Paralysie - C'est ma peur, j'ai remarqué depuis longtemps que je fonctionne comme ça... Faut se jeter!... Un peu raide je dis "Tu te souviens à la gare, je sais pas ce qui s'est passé mais c'était fort, j'ai eu peur, ça m'a fait un coup... Y'a quelque chose qui s'est bloqué en moi, je pouvais pas parler, j'ai eu l'impression de partir comme un voleur"... ( et tout ce silence, mon incapable silence...) Elle fait signe que oui, elle se souvient... Ça doit vouloir dire que j'ai pas rêvé... Non, j'ai pas rêvé! - le regard - ... Après je me souviens plus ce que j'ai dit, tu as dit "Il est tard, je vais me coucher", j'ai dis oui... Tu as dit "Si tu veux je t'invite dans ma petite maison"... J'ai dis oui, j'ai pas eu peur, j'ai pas baissé les yeux, j'ai pas eu de bouffée de honte ni l'angoisse physique ni rien... J'ai eu confiance en moi, en toi, quoiqu'il se passe, quelque chose ou rien...

J'avais fait le pas, mon pas, le premier pas hors de moi... De ce 'moi' d'autocensure, de ce moi de répression, de cette fausse image, de cette fausse idée de moi, de ce complexe, de cette identité fabriquée et falsifiée... Moi hors de la peur, nu et con... Moi simplement moi, sans rien de plus, sans rien de moins... Hors taxes, sans TVA, sans valeurs ajoutées, sans principe de référence, sans armure, sans combat... Dépouillé... Après ça ne pouvait qu'aller, bien ou mal, oui ou non, ça n'a plus d'importance... Je me suis accepté en dehors du rêve, je t'ai rejoint dans ce réduit, ce petit lit, cette roulotte citadine... Je me suis pas déshabillé, je me suis glissé sous la couverture, même pas sous le drap, je voulais rien brusquer, ni moi ni toi... Y'avait rien à brusquer, y'a rien à brusquer... Tu as juste tendu un bras vers moi, j'ai fait pareil, on s'est mis joue à joue, enlacés, juste comme ça, dans l'obscurité...

Un monde, une chaleur... Une présence pleine sans vide, sans violence, sans mot supplémentaire... Un silence plein... Un silence vrai... un silence juste... pour la première fois!... Ça se passe, c'est l'eau et son partage, une source insoupçonnable, un débordement impossible, un étonnement réel, un abandon réciproque... C'est je t'aime sans la frime, c'est je t'aime, sans plus, sans moins... C'est je t'aime, c'est joli, c'est une semaine après l'armistice, c'est aujourd'hui, c'est la paix... Je dépose les armes, c'est je t'aime, c'est un conte de faits, de fait je t'aime... C'est le solde de l'inventaire, je t'aime, c'est l'Armistice, l'appel à la paix, la paix à la pelle... Faut ratifier, faut ratifier!... Je t'aime je t'aime je t'aime je t'aime je t'aime je t'aime...

Publication en cours...

Je t'aime...

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